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Wilfrid Houndjè au sujet de la scarification chez les Xwéda de Ouidah : «C’est une marque identitaire, une manière de diviniser l’enfant, de le ramener sur les valeurs ancestrales»

Wilfrid Houndjè délégué général du Carnaval International de Ouidah (CIO) et Vigan de la collectivité Houndjè a été reçu le mardi 20 Août 2024 dans l’émission ‘’La Parenthèse’’ de la télévision nationale, précisément dans la rubrique ‘’Leçon d’ici’’. Ce dernier est allé entretenir les téléspectateurs sur la scarification en milieu Xwéda : cas de la collectivité Houndjè de Ouidah. Pendant Plus d’un ¼ d’heure, il a donné des clarifications sur cette pratique avec des détails jamais contenues dans un ouvrage. L’objectif pour l’invité était de faire connaitre davantage la communauté Xwéda au peuple béninois, les adorateurs du culte python et ce que signifient les ‘’2X5’’ dans leurs visages, au-delà de tout ce qui est souvent dit. Pour quoi le ‘’2X5’’ ? Comment fait-on le ‘’2X5’’ ? Des questions auxquelles il a répondu avec maitrise et passion sur les plateaux de la chaine nationale.

Journaliste : Quand on voit les ‘’2X5’’ on sait déjà que c’est la communauté Xwéda de Ouidah ?

Wilfrid Houndjè : Oui c’est de Ouidah, mais au-delà, c’est toute la communauté des adorateurs du culte python. Les scarifications ‘’2X5’’ au visage sont des marques identitaires. Parce que, quand vous prenez la tête du python royal et que vous l’approchez d’une loupe de haute précision, vous allez voir que le python lui-même a le ‘’2X5’’ au visage. C’est donc une marque identitaire. Mais au-delà de l’identification, ça a des codes et un certain nombre d’aspects mystiques, cultuelles.

Pour quoi un Vigan de la collectivité Houndjè comme vous, ne porte pas ces scarifications ?

Les pères fondateurs du royaume ont pensé à tous ces aspects. Il y a des ‘’Xwédavi’’ qui portent le ‘’2X5’’ en visuel et d’autres le portent en dedans. C’est quand on est enfant qu’on fait les scarifications, généralement c’est de 3 à 5 mois, c’est le principe idéal. Ceci en passant par des étapes de cérémonie.

Il parait que c’est 5 cérémonies il faut faire avant la scarification

Oui, quand nous prenons le cas de la collectivité Houndjè, lorsque l’enfant nait, on attend que le cordon ombilical tombe et on le présente à la première lune. Á la deuxième étape, l’enfant subit la cérémonie qu’on appelle le ‘’Vatakpadudu’’. C’est un genre de repas qui est fait avec de la sauce de tomate où on y verse une forte quantité de farine de maïs. Il y a un poisson spécifique qui rentre dedans, l’enfant et sa mère doivent goûter à ça. Quand on observe bien les éléments qui entrent en ligne de compte de cette cérémonie, on comprend qu’on est en train de charger l’enfant d’un certain nombre d’énergies qui vont le défendre du point de vue mystique, parce que le sage Xwéda enseigne que le mal peut venir à tout âge. Donc on est en train de protéger l’enfant et sa mère pour qu’ils puissent continuer à faire le processus jusqu’à l’aboutissement. A la 3e étape, on emmène l’enfant vers les divinités tutélaires de la famille pour que le contact physique et spirituel s’opère et que les dieux sachent que l’enfant qu’ils ont envoyés, nous l’avons reçu en de bonnes mains et nous sommes venus le présenter. La 4e étape est celle qui consiste à identifier un ancêtre défunt qui va accepter de prendre la gouvernance de l’enfant pendant tout son séjour terrestre (le djôtô). On fait appel au prêtre de fâ et par le principe de l’oracle, on identifie un ancêtre de la famille que les géniteurs n’ont peut-être jamais connus, mais qui s’est révélé comme celui qui va guider les pas de cet enfant durant toute sa vie. C’est comme un parent divin. La 5e étape est celle qui conduit l’enfant à la scarification et c’est là tout le principe de notre appartenance à la communauté Xwéda.
Vous avez posé la question tout à l’heure de savoir pourquoi je ne porte pas les ‘’2X5’’ en apparence. Alors, à la 2e étape de la cérémonie, les ‘’tanyinon’’, conservatrice de la mémoire orale de la collectivité, prennent du calcaire blanc, du charbon et marquent le visage de l’enfant et les autres parties du corps, comme quelque chose qui pourra être effacé après. C’est pour dire à l’enfant qu’à partir du moment où on te donne le ‘’Vatakpa’’ qui est un repas de la communauté Xwéda, tu es désormais Xwéda. Ne sachant pas que tu peux aller jusqu’au bout du processus, on te fait ce marquage qui est un symbole.

Parlons de la scarification proprement dite

Au-delà du marquage, c’est une manière de diviniser l’enfant, de le ramener sur les valeurs ancestrales liées à la communauté vodun depuis l’Egypte antique suivant toutes les marches migratoires jusqu’à la communauté Xwéda de Ouidah.
Lorsque tout est prêt on avertit la personne qui veut opérer la scarification, pour qu’elle prenne les dispositions. La disposition la plus importante à prendre, c’est que celui qui veut faire cette opération ne doit pas faire l’amour la veille. Lorsqu’on lui fait le marquage, l’enfant commence par pleurer et les ‘’tanyinon’’ commencent par réciter les panégyriques de la famille pour connecter la voix de douleur de cet enfant aux valeurs, aux principes de la famille pour le mettre en symbiose avec sa famille et sa communauté… Les ‘’2X5’’ au visage c’est ça qui est courant, c’est ce qu’on voit. Mais en réalité sur le corps de celui qui a les ‘’2X5’’, il n’y a pas que 10 cicatrices, il y a une vingtaine sur son corps. On lui fait 10 sur le visage, 2 sur le dos de sa mère, même chose aux deux pieds et aux deux mains, ainsi de suite. Un enfant Xwéda est une divinité en déambulation, il mérite respect et considération.

Toutes les cérémonies durent combien de jour à peu près ?

Ça dépend des disponibilités et des moyens des parents

Parlez-nous du masque python

Le masque python est un masque que nous avons créé à Ouidah avec un droit d’auteur pour faire voyager l’histoire de la communauté Xwéda au-delà du python lui-même. Le python, c’est ce reptile inoffensif qui a pris l’habitude de vivre en communauté sur des siècles. Aujourd’hui le python royal Xwéda fait l’objet d’un trafic clandestin de haut niveau. Chaque touriste qui passe essaie de l’avoir sur lui, il voyage avec parce que cet animal est doux, gentil pour rester dans une maison. Du coût la population du python royal est en train de diminuer. Au-delà du trafic, il y a les questions du réchauffement climatique qui font que le python aussi disparait parce qu’il subit aussi les problèmes de société. Donc en créant un masque pour le python, ça nous permettra de conserver le patrimoine masque. C’est désormais ce masque qui va voyager pour aller raconter l’histoire de la communauté Xwéda au monde entier.

Est-ce vrai que c’est avec les dents du python qu’on fait les scarifications ?

Non, c’est de l’intoxication. Il y a trop d’informations qui circulent sur le python. C’est grave de raconter ces choses.

Transcription : C.A.

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